Carnet d'auteur: Zéro à 100

La genèse : Parthenay et « L'équipe »

Tout a commencé quand j'ai acheté le quotidien sportif « L'équipe » au festival de Parthenay.

Nous étions à une terrasse de café, je lisais le journal et j'ai demandé à mes amis :

- « Vous voulez que je vous fasse un petit quiz sur « L'équipe » ? »

- « Mais on ne connaît rien en sport ! »,

- « Pas de soucis, je vais adapter ».

Et c'est ainsi que je leur ai posé une série de questions dont les réponses étaient uniquement des chiffres ou des nombres (que je trouvais dans le journal). En effet, si seul un connaisseur peut répondre à la question « Qui a marqué le plus de buts lors de la dernière coupe du monde ? », n'importe qui peut tenter de répondre à la question « Combien de buts a marqué le meilleur buteur de la coupe du monde ? » ... Dans ce cas, pas besoin de connaissance pour pouvoir tenter une réponse, il suffit de dire un nombre (et non un nom), et avec un peu de chance et d'estimation on peut se rapprocher de la bonne réponse. Ainsi d'un quiz de connaissance, on passe à un quiz d'estimation.

Chaque jour de la semaine, je leur concoctais donc un nouveau quiz et ils attendaient à chaque fois ce moment avec une certaine impatience. Je me disais bien qu'il y avait matière à réfléchir à un jeu mais encore fallait-il trouver une mécanique intéressante à partir de ce type de question.

Inverser le principe de la question

D'habitude, dans un jeu de quiz, un joueur pose une question et les autres doivent trouver la réponse. Et si cette fois c'était l'inverse ? Je me suis fait cette réflexion quelques mois après le festival. Si cette fois, on avait une réponse chiffrée au centre de la table, 50 par exemple, et que chaque joueur avait des cartes avec des questions différentes devant lui... Alors, les joueurs devraient trouver la bonne question parmi celles qui sont à leurs disposition ; j’entends par trouver la bonne question, trouver celle qui selon chaque joueur s'approche le plus de la réponse au centre de la table (50). Exemple : Quelle carte choisiriez-vous dont la réponse s'approcherait le plus de 50 ? « Combien de fois le mot Macarena est répété dans la chanson Macarena ?

« Quel pourcentage de temps dort un hamster ? » « Combien de pays, réels ou imaginaires, a visité Tintin ? »

A ce moment-là, je sens que je tiens une base intéressante. Cependant, assez rapidement, je me rends compte qu'il faut donner une limite à la valeur maximale des réponses car sinon, on ne sait pas trop où se situer en voyant ses cartes, c'est pour cela que je décide donc (assez arbitrairement) que mes réponses iront toujours de 0 à 100. Premier prototype Pas de temps à perdre, je fais un premier prototype composé d’une vingtaine de cartes recto-verso avec la question d'un côté et la réponse de l'autre. Je teste ça dans la foulée et... ça marche ! Pas encore parfaitement mais il y a de l'idée. A chaque tour, on change de réponse centrale : les gens discutent, rigolent, sont surpris...Ce qui est déjà beaucoup. Seulement au départ, je m'étais dit que je récompenserai à chaque fois le joueur ayant joué la carte Question la plus proche de la réponse. Or rapidement, je me suis aperçu qu'avoir la meilleure carte était aussi une affaire de chance. Comme chaque joueur a des questions différentes devant lui, il est possible que lors d'un tour, un joueur ne puisse pas

jouer la carte la plus proche car il ne la possède tout simplement pas... J'opte alors pour la proposition suivante : il ne faut pas être le plus proche mais éviter d'être le plus loin. Ce qui donne en termes de règle : le joueur ayant posé la carte avec la réponse la plus éloignée pioche une nouvelle carte question (et pour gagner, il faut se débarrasser de ses cartes). Et les pouvoirs arrivent... Nouveau test en famille qui se déroule encore mieux avec cette petite règle de ne pas être le dernier et qui donne un vrai plus au jeu. En plus, comme nous sommes nombreux, les gens jouent en équipe et je me rends compte que les discussions entre les joueurs animent vraiment la partie ! Bref, je suis bien content ! Mais mon frère, avec ses remarques souvent pointilleuses et pertinentes (et toujours pleine de tendresse), va me faire redescendre sur terre. Son équipe n'a plus que deux cartes, la réponse à viser lors de ce tour est 83 et il me dit « Antonin, si je ne me trompe pas, on est sûr de perdre cette manche : je crois que nos deux cartes ont des petites valeurs... » Et il disait vrai ! Mince, voilà un autre problème que je n'avais pas vu venir. Effectivement, moins on a de cartes, moins on a de choix et si a la fin, une équipe n'a aucune carte qui s'approche de la réponse du tour, alors c'est le hasard qui décide de la victoire ou de la défaite. Heureusement, mon frère a une solution à me proposer : pourquoi ne pas avoir des cartes Pouvoir, à jouer une fois dans la partie, qui permettent de rajouter « + 20 » ou « +50 » ou à l'inverse, d'enlever « -20 » ou « -50 » à nos réponses ? Ainsi, grâce à ces pouvoirs, on pourrait influer sur nos cartes même quand on pense que leur réponse ne correspond pas. Si tôt dit, si tôt essayé : ça fonctionne !

Trouver un éditeur Je vous épargne ici les derniers petits ajustements du prototype mais toujours est-il qu'après plusieurs mois à peaufiner le jeu je présente le jeu à différents éditeurs.

Et après plusieurs réponses intéressées, je reçois une proposition concrète du « Scorpion Masqué » que j'accepte avec joie ! Je connais leur travail pour « Decrypto », « Mot pour Mot », « Zombie Kidz Évolution » ou encore « C'est pas faux » et je me dis que ce sera parfait pour ce jeu d'ambiance aux question farfelues. Le plus gros du travail A ce moment-là, il reste tout de même une part très importante du travail : l'édition. Avec Christian Lemay (le responsable du Scorpion masqué) et toute l'équipe nous partons sur l'idée de faire un jeu à petit prix afin d'être accessible à tous. Après discussion avec l'usine, le nombre de cartes sera donc de 168, assez pour une bonne rejouabilité tout en restant à un coût très abordable.

Reste maintenant à rédiger les questions, car une grande partie du plaisir du jeu réside dans la découverte de ces dernières. Pour cet exercice, le Scorpion Masqué décide de me faire confiance : à moi de les écrie et nous les choisirons ensuite. Au départ, je me suis dit que cela irait vite... grave erreur ! Non seulement, il fallait trouver de bonnes questions mais il fallait également qu'elles soient bien réparties entre les différentes valeurs (de 0 à 100) et entre les différents thèmes. Des heures et des heures de réflexions en perspective ! Heureusement, j'ai pu compter sur l'aide de nombreux amis pour m'aider à trouver des questions (merci Gaspard notamment), ainsi que sur des propositions de l'éditeur. Rarement un jeu (pourtant si petit) m'a donné autant de travail !!!

Vers la sortie et l'au-delà.

Le Scorpion masqué a de son côté travaillé les illustrations, nous avons ajusté quelques points de règle, préparé la communication et enfin, en mai 2021, le jeu a vu le jour. C'est toujours quelque chose quand le jeu sort en boutique... Un mélange d’excitation et

d’appréhension ! Je dois avouer que j'ai été ravi de voir qu'il ait trouvé son public (merci à toute l'équipe du Scorpion Masqué) :).

Une fois le jeu sorti dans les pays francophones, il a fallu réfléchir à la version américaine, à nouveau un beau challenge car les unités de mesures (kilogrammes, mètres, vitesse...) ne sont pas du tout les mêmes... Et comme nous voulions bien faire les choses, nous avons également cherché des questions propres à la culture américaine. Mais là aussi, l’accueil a été à la hauteur du travail fourni, quel plaisir ! Et suite à ces bonnes nouvelles, nous avons décidé de travailler sur un nouveau jeu pour 2023 : Zéro à 1000 (sortie prévue en mai pour la France, la Belgique et la Suisse) ! Zéro à 1000, qu'est-ce qui change ?

Dans Zéro à 1000, le principe reste le même mais cette fois les cartes vont de 0 à 1000, vous allez pouvoir trouver des questions comme : « Quelle était la longueur en mètres du Titanic ? » « Combien peut avoir de pattes, au maximum, un mille-pattes ? »

« Combien de kilogrammes pèse Hulk, le super héros de l'univers de Marvel ? »

Ce qui fait que la manière d'estimer est bien différente, on va plus être à une centaine près qu'à une dizaine près ! L'échelle de valeurs est plus grande mais le principe reste le même, ne pas avoir la réponse la plus éloignée. Et les cartes Pouvoir vont également changer... avec de nouvelles surprises à l'horizon (vous allez parfois par exemple pouvoir jouer deux cartes Question en même temps dont les réponses s’additionnent ou se soustraient). Le jeu est bien sûr jouable si vous ne possédez pas « Zéro à 100 », ainsi vous pouvez très bien commencer par découvrir « Zéro à 1000 ». D'ailleurs, voici petite anecdote : au cours de mes tests de « Zéro à 1000 » les joueurs qui le découvraient en premier et à qui je faisais ensuite tester « Zéro à 100 », trouvaient « Zéro à 100 » plus compliqué (car plus précis) et les joueurs qui découvraient « Zéro à 1000 » après avoir découvert « Zéro à 100 » trouvaient « Zéro à 1000 » plus dur (car plus vaste). Tout dépend en fait du premier référentiel !

Ce qui me permet de conclure ce carnet d'auteur par cette phrase qui ne veut rien dire : « Zéro à 1000 » c'est comme « Zéro à 100 » mais en différent » :