[Flashback : Zombie Kidz Evolution est le premier volume dans la collection Flashback, créée par Baptiste Derrez et Marc-Antoine Doyon, et éditée par le Scorpion Masqué, dans l'univers de Zombie Kidz créé par Annick Lobet]
crédit : Michel Verdu
La naissance du projet
Baptiste : En 2021, j'envoie un mail à Christian Lemay du Scorpion Masqué pour lui demander s’il serait d'accord pour jeter un œil à l'une de mes idées. C'est mon premier véritable prototype de jeu de société et c'est la première fois que je démarche un éditeur. Il me répond très rapidement que le projet l'intéresse beaucoup et il me demande en suivant si j'accepterai de travailler avec quelqu'un. Je réponds alors que j'aimerais beaucoup travailler avec quelqu'un. C'est plus facile pour moi de travailler à plusieurs.
Marc Antoine : C’est à l’été 2021 que Christian m’a contacté pour me proposer de travailler sur “un truc cool”. Comme c’est un ami en qui j’ai généralement confiance, j’ai tout de suite accepté avant même qu’il ne m’explique quoi que ce soit. "Design…écriture…Baptiste …magie…zombies…” j’avais à peine entendu quelques mots que j’étais déjà charmé et excité à l’idée de travailler sur UN JEU. Ce que je ne savais pas, c’est que je sautais à pieds joints dans le projet le plus complexe, le plus étrange et le plus enrichissant que je n’’ai jamais fait.
Baptiste : Quelque temps plus tard, je rencontre Marc-Antoine et le reste de l’équipe en visio (distance oblige) pour parler plus en détails du projet et de comment chacun imagine mener le développement du jeu. Le courant passe très bien. Chacun est motivé par l'idée et à l'écoute. Je présente mon idée de base. Une scène figée dans le temps dans laquelle on va pouvoir évoluer à travers les différents points de vue des personnages afin de voir la scène sous différent angles et de comprendre ce qui a pu se passer.
Marc-Antoine : Première rencontre avec l’équipe : j’adore le concept de Baptiste. Il y a quelque chose d’extrêmement épuré mais qui fait insidieusement appel à l’intelligence des joueurs. Avec très peu d’information, un monde se déploie devant nous et on se surprend à élaborer des hypothèses sur le pourquoi du comment. Et en plus, l’équipe du Scorpion veut développer la première boîte sous la bannière de Zombie Kidz, le meilleur jeu pour enfants !! Ça n’en prend pas plus pour me convaincre…même si j’étais déjà convaincu.
Avant d’écrire le scénario, Baptiste et moi décidons d’établir une liste de points de vue originaux et de scènes qu’on aurait voulu voir dans le jeu. Comme je suis un éternel étudiant, je lis le mémoire de Thom sur la narration par l’image, qui m’inspire énormément et me confirme que mon bagage en cinéma ne sera pas tout à fait inutile…
La V.1 du jeu
Baptiste : J'avais mon scénario en tête, les idées de comment amener telle ou telle solution, les points de vue originaux. La difficulté était de réaliser une version testable et compréhensible, mes premiers dessins bonhommes bâtons n'étant pas suffisants pour permettre une bonne compréhension des situations.
Marc-Antoine : Dès le début du projet, nous avons de longues discussions avec Baptiste pour savoir quel serait le bon workflow, quel programme il nous faudrait utiliser, sur quelles plateformes, à quelle fréquence…tout est à inventer. Rapidement on se rend compte que les souvenirs doivent être complètement créés en 3D pour éviter les erreurs de perspectives.
En plus, comme on désire faire appel à des illustratrices qui créeront l’univers des Kidz avec la même méthode, autant leur sauver (un peu) de travail et assurer un passage fluide entre le prototype et la version illustrée. Après quelques tests infructueux, j’ai retroussé mes manches pour apprendre à utiliser Cinema 4D, un super outil qui nous permet de modeler nos scènes en 3D et se promener dedans avec une caméra comme si on y était. La magie prend déjà forme.
La première vision telle que vue dans Cinema 4D
En parallèle, Baptiste et moi commençons sérieusement à brainstormer et écrire la première version du premier scénario (qu’on n’appelait pas encore Souvenir). Plusieurs idées sont déjà adoptées et d’autres écartées ou retravaillées. Par exemple, on veut absolument un premier plan rempli de points de vue, un point de vue flouté, des jeux de perspective, un zombie qui vole…
Baptiste : J'avais déjà l'idée de l'école, des zombies qui avaient réussi à rentrer dans la cour, de ce qu'il y a en dessous mais pas exactement de tous les recoins et les surprises à découvrir. Sur le premier scénario on travaille de concert avec Marc Antoine afin d'établir un scénario le plus complet possible. On rebondit chacun sur les idées de l'autre. Le travail d'écriture est fluide et super intéressant.
Marc-Antoine : Puis on peut voir dans cette première version que des idées plus décalées comme la télévision distordue, le kaléidoscope ou le bébé zombie ont été abandonnées au final.
Gloire au Bébé Zombie !!
Playtests
C’est maintenant l’heure de la partie la plus importante et confrontante du développement : les playtests. Heureusement, il y a plusieurs parents au bureau du Scorpion Masqué qui sont très intéressés par le projet et proposent leurs familles pour tester notre curiosité. On se rend rapidement compte que les testeurs sont précieux car un jeu d’enquête narratif ne peut pas être testé vingt fois par la même personne.
Baptiste : De mon côté, c'est un peu plus difficile de trouver des testeurs. Entre mon cercle de connaissance restreint et ceux qui voulait jouer à la version finale je n'ai pas beaucoup de tests possible. Heureusement, parmi ces tests, pas mal de retours seront utiles pour la suite. On fait un bilan environ une fois par semaine avec Marc-Antoine et le scénario est affiné en suivant.
Marc-Antoine : Les playtests viennent souligner un paquet de trucs qui nous chicotaient (qui nous tracassaient, pour nos amis français…) mais sur lesquels on n'avait pas nécessairement mis le doigt. Mais viennent aussi confirmer la chose la plus fondamentale : le jeu est fun ! Les gens s’amusent sincèrement à découvrir les cartes et c’est tout ce qui importe au fond.
Une autre chose que j’adore des tests, c’est qu’ils deviennent le levier ultime lorsqu’on n’est pas certain d’une énigme ou d’une image : testons-le pour voir si ça fonctionne et on ajustera ! Le hic, c’est que lorsqu’on modifie quelque chose dans un jeu d’enquête la chose changée doit bouger PARTOUT (surtout lorsque tous les points de vue sont liés). Toute l’équipe doit être ultra-alerte du début jusqu’à la toute fin de la production pour laisser passer le moins d’erreurs possible.
L’autre hic, c’est que mes talents en dessins sont assez limités alors on se confronte souvent à la question : “C’est censé être quoi ce gribouillis-là ?”. Tellement souvent en fait que ça devient un de mes arguments fétiches pour justifier une énigme un peu tordue : “Oh, mais tu verras, quand ce sera bien dessiné, on va comprendre !”. Parfois c’est vrai, parfois non...
Versions 2-3-4-500 de la carte 01
Règles de base
Baptiste : Sur mon proto et dans mon idée de base il y avait plusieurs cartes inutiles ( une carte entièrement noire qui est le point de vue d'un chat qui dort...) mais on s'est vite rendu compte que des cartes « troll » ou trompeuses ne pouvaient pas rentrer dans le nombre de cartes établi.
Marc-Antoine : Au fil des versions et des playtests, plusieurs règles ont émergées. Certaines viennent du désir de raconter une histoire logique et riche, d’autres se sont imposées comme la meilleure option pour faire vivre une expérience dynamique et fluide.
La liste est longue mais en voici quelques-unes :
- Toutes les cartes doivent avoir une utilité (information ou surprise).
- Certaines cartes doivent mener à plusieurs points de vue à un intervalle régulier.
- Il est important de comprendre le lien concret d’un point de vue à un autre.
- Chaque personnage visible a un point de vue ou une raison de ne pas en avoir.
- Si c’est un élément de compréhension fondamental, on doit le lier à une question.
- Même les éléments absurdes doivent avoir un minimum de logique.
BREF, vous comprenez que tous ces éléments peuvent rapidement devenir un casse-tête monumental, mais parait-il que de la contrainte nait la créativité.
D’autres croquis pour le plaisir de vos yeux
Illustrations et production
Une fois la Vision 1 terminée et confirmée, nous sommes rejoints par Jenny et Laure qui illustrent les décors et accessoires. Je l’ai souvent répété tout au long du processus mais leur talent, leur patience et leur compréhension immédiate de notre univers et du jeu sont au cœur de la réussite du projet. Elles ont su amener un souffle de vie inégalé à chacune des images que l’on avait en tête et je leur en suis tellement reconnaissant. Elles ont même réussi à donner du sens à certaines de nos énigmes incompréhensibles, comme je l’avais prédit (ou pas).
Rendu 3D de la carte 01 jusqu'au rendu final par Laure de Chateaubourg
Puis Michel Verdu a rejoint l’équipe. Il a surmonté l’incroyable défi de s’approprier les Kidz et leurs zombies en apportant toujours une twist amusante et décalée. Les expressions et les positions des personnages sont ultra importants car ce sont grâce à eux qu’on comprend la majorité de ce qui se passe dans Flashback. Et je crois que c’est une grande réussite.
Pendant les mois qui ont suivis, nous avons fait des meetings hebdomadaires pour discuter dans les moindres détails d’un univers qui ne ressemblait plus tant à un jeu, mais plutôt à un labyrinthe coloré qui cache des défis et des surprises à chaque recoin. Je me souviens de questions absurdes comme : “Si on place la boule de bowling dans ce sens, est-ce qu’elle peut avoir l’air d’une tête ?”, “Est-ce que le zombie qui vole peut avoir des lunettes fumées ?”, Pourquoi le fromage est dans une canette s’il est déjà pourri ?” Heureusement, nos idées farfelues ont été soutenues par une équipe de graphistes incroyables qui ont redoublé d’efforts pour mener à bout cet étrange navire. Ils et elles ont apporté une expertise impressionnante et des solutions inventives qui, de toute évidence, sont au cœur de la magie.
Alors merci à Manu, Christian, Sébastien, Karine, Émilie, Hélène
Conclusion
Créer un jeu est une entreprise étrange où l’on prend extrêmement au sérieux des questions complètement rigolotes. Tout ça dans le but que des inconnus éprouvent du plaisir pour quelques heures. Pour moi, ça a été un travail d’équipe monumental, beaucoup d’apprentissage et de plaisir, mais surtout la réalisation que c’était ce que j’avais envie de faire pour les prochaines années de ma vie.
Faire des jeux avec des gens qui font de la magie.
Baptiste : C'est mon premier jeu édité et Je ne sais pas si on peut rêver mieux pour son premier jeu. Une super équipe, un travail d'un an enrichissant et toujours dans la bonne humeur, des gens adorables à l'écoute et talentueux, un jeu qui a connu un bon accueil du public et un As d'Or au Festival International de Jeux de Cannes. Depuis cette expérience, je prends conscience que la création ludique n'est pas réservée qu'aux autres et que, moi aussi, je peux proposer les trucs un peu fous présents dans ma tête.
credit : Jenny Mati
Et si vous voulez aller encore plus loin dans les coulisses de la création de Flashback : Zombie Kidz Evolution, voici les Art Stations des illustrateur.ices :
Michel Verdu : https://michelverdu.artstation.com/projects/aGWO8J
Jenny Mati : https://www.artstation.com/artwork/b5LwPo
Laure de Chateaubourg : https://laure_de_chateaubourg.artstation.com/projects/RnRBYr
Vous trouverez également ci-dessous la vidéo du Passe-Temps sur le jeu :
Une fois par mois, le Grand Boubou du Scorpion partage ses réflexions d'éditeur avec vous. De l'évolution du marché à la rédaction des règles, en passant par les mécanismes de jeux.
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